Message de Medjoub Chani

Chani est enfin libre !

Il a adressé un message aux membres et sympathisants de l’ACAT qui l’ont soutenu

C’est avec joie et soulagement que nous avons appris la libération de Mr Medjoub Chani, après qu’il ait accompli la peine de 10 ans à laquelle il avait été condamné en première instance dans l’affaire autoroute est-ouest, après des aveux obtenus sous la torture (dans la seconde affaire, dite Télécom, il avait été acquitté définitivement). Il a fait un recours de sa condamnation auprès de la Cour suprême, recours qui n’a toujours pas été jugé.

Il a rejoint sa famille au Luxembourg et réapprend la liberté. L’ACAT Luxembourg, qui a défendu sa cause, lui souhaite de retrouver rapidement l’équilibre et le bonheur d’une vie libre.

Retrouvez le communiqué initial et l’appel du mois que nous lui avions consacrés.

Mes chers amis,

Libéré le 07 octobre, je n’ai été autorisé à quitter le territoire algérien que le 16 octobre, un quart d’heure avant le départ du vol Air France à destination de Paris pour rejoindre ma famille et mes amis au Luxembourg et en France. L’angoisse a duré jusqu’au dernier moment, avant de vivre les premiers véritables instants de liberté, dans l’habitacle de l’avion. Dans un Etat où la liberté est aléatoire et la vie humaine a peu de valeur, on ne pardonne jamais à celui qui ose élever la voix pour dénoncer l’atteinte à sa dignité et à son intégrité.

Dans ce combat inégal contre l’arbitraire, la présence à mes côtés de la formidable ONG chrétienne de défense des droits humains qu’est l’ACAT, m’a non seulement et certainement sauvé du pire, mais elle m’a également, par son soutien indéfectible, permis de ne pas fléchir.
Combien de fois, pendant cette nuit interminable, dans des moments de grande solitude et d’angoisse, une voie chrétienne amie, en provenance de France, du Luxembourg, de Suisse, du Royaume-Uni, du Canada… est venue me repêcher alors que l’onde de choc post-traumatique était en train de m’enfoncer dans un trou noir. Bien que mes réponses n’arrivaient presque jamais à leurs destinataires, les lettres en provenance des membres de l’ACAT qui me parrainaient n’ont jamais cessé. Elles m’arrivaient à un rythme régulier avec même souvent des excuses quand il y avait un retard. C’étaient des lettres d’espoir et de prières.

Sachez mes chers amis, que votre action a été pour moi, non seulement un soutien permanent incommensurable, mais aussi une protection contre d’éventuelles représailles.
Je ne trouve pas de mots assez forts pour vous exprimer ma reconnaissance.
JE NE VOUS OUBLIERAI JAMAIS.

Votre frère et ami Medjdoub Chani.

Contexte

Condamné à l’issue d’une parodie de procès

M. Chani a été enlevé par des agents en civil à son arrivée à Alger en 2009. Pendant que son épouse et son fils, résidents au Luxembourg, essayaient en vain de le retrouver, M. Chani était détenu dans un centre secret du Département du renseignement et de la sûreté (DRS) et soumis à la torture pour lui faire signer des aveux. Le 6 octobre, il a été présenté au milieu de la nuit devant un procureur puis un juge d’instruction qui l’a placé en détention provisoire sur la base d’aveux forcés.

Il a été condamné cinq ans plus tard à l’issue d’un procès marqué par de graves irrégularités. Ses avocats ont demandé à la cour d’entendre les agents de la DRS qui ont cosigné les procès-verbaux d’aveux de M. Chani, ainsi que le procureur et le juge d’instruction qui ont entendu la victime à l’issue des 20 jours de détention arbitraire et le médecin qui est censé l’avoir examiné à la fin de sa garde à vue. Les juges ont refusé d’entendre ces témoins.

M. Chani et deux de ses co-accusés ont dénoncé devant la cour les tortures subies aux mains de la DRS, mais les juges ont refusé d’en tenir compte. Au cours de l’audience, le principal témoin à charge contre M. Chani a affirmé que ce dernier avait bien été arrêté le 17 septembre 2009 et non le 28 comme le prétend le procureur, mais les juges n’ont pas relevé cette falsification.