L’ACAT par celles et ceux qui l’ont faite

L’ACAT Luxembourg par celles et ceux qui l’ont faite

Témoignages

Les sept présidents et présidentes de l’ACAT-Luxembourg entre 1985 et 2016 :
Pierre Tourne, Rosalie Freppel, Patrick Byrne, Paule de Marcillac, Bernadette Jung, Monique Ruppert et Cécile Thill.

En 2010, à l’occasion de son 25ème anniversaire, l’ACAT a publié dans son bulletin de printemps une rétrospective en forme de témoignages. En voici quelques uns.

1985 – 2010 : Les compagnons de route de l’ACAT

En 1985, une poignée de femmes et d’hommes chrétiens (catholiques, protestants, quakers) ont pris l’initiative de fonder une ACAT au Luxembourg pour lutter contre la torture.

Peu de personnes au Luxembourg s’imaginaient alors que la torture était encore massivement pratiquée dans le monde. L’ACAT est née de ces constatations : la torture existe et les chrétiens n’en sont pas convaincus. Il s’agissait alors d’informer en portant au grand jour la réalité de ce scandale. Il s’agissait de parler de tous ceux dont personne ne parlait.

Le développement de l’ACAT n’aurait pu se faire sans l’appui et la participation de tous ses membres et amis, sans l’investissement de tous les bénévoles au conseil, certains travaillant parfois jusqu’aux limites de leurs forces. Tous ont contribué, dès sa création jusqu’à aujourd’hui, à une continuité dans le travail, une efficacité dans l’information et un véritable professionnalisme dans les contacts externes.

Durant toutes ces années ils ont accompli les tâches les plus diverses : rédaction et dispatching des appels du mois et des appels urgents, vigilance prison, contacts avec les autorités civiles et les églises, contacts avec d’autres ONG et les medias, sensibilisation de l’opinion publique et particulièrement des chrétiens à travers des conférences ou des liturgies, contacts avec les instances internationales se préoccupant de la lutte contre la torture et les traitements inhumains et dégradants, contacts avec la FIACAT, et j’en oublie…

Ainsi, par leur engagement personnel, ils ont imprimé leur marque individuelle à cette action collective.

Nous avons demandé à quelques-uns de ces compagnons de route de nous écrire quelques lignes sur un événement qui, à une période déterminée, les a particulièrement marqués.

Pierre Tourne, premier président de l’ACAT-Luxembourg:

La manifestation qui nous a le plus marqués dans notre engagement à l’ACAT-Luxembourg de 1985-1988 fut le rassemblement de fin de journée sur un vaste espace surélevé, derrière la Bibliothèque Nationale.
Nous y avons déposé des gerbes de grandes fleurs et lu des textes et prières à l’occasion du 10ème anniversaire du soulèvement d’écoliers de Soweto, le 16 juin 1986.

Patrick Byrne, président de l’ACAT de 1990 à 1994:

Je garde un souvenir particulièrement ému des débuts du partenariat entre les ACAT du Luxembourg et du Togo.
A la fin de 1991, nous avons reçu un message troublant et un appel à la prière du président de la toute jeune ACAT Togo, Carlos Amu. Il nous annonçait que, face à l’action répressive des autorités, les responsables de l’association avaient dû fuir le pays et se réfugier chez les amis de l’ACAT Bénin. Nous avons lu ce message, quinze jours plus tard, dans l’église St Michel, dans le cadre de la soirée « Un temps fort pour les droits de l’homme », avec conférence de Guy Aurenche.
Quelques mois plus tard, Michel Sigwarth et moi participions au nom de l’ACAT Luxembourg au premier rassemblement international ACAT en terre africaine, à Cotonou (Bénin). A cette occasion, nous avons pu mieux connaître des membres de l’ACAT Togo, entendre leur témoignage, et envisager avec eux un jumelage entre nos deux ACAT. Rencontre enrichissante, mais également préoccupante : la délégation togolaise a dû quitter Cotonou abruptement, en pleine nuit, craignant d’être suivie par les services secrets de son pays.
C’est au lendemain de ce rassemblement que s’est mis en place le partenariat qui a permis de nouer, au fil des années, des liens d’amitié et de solidarité dans l’action…

Michel Sigwarth:

Pendant 5 ans, de 1988 à 1993, j’ai assumé au sein du conseil de l’ACAT Luxembourg, la coordination avec la FI ACAT.
En avril 1991, l’ACAT a organisé le Conseil International de la FIACAT au Centre Jean XXIII qui a permit aux délégués des ACAT européennes de se retrouver. La principale décision fut de reconnaitre les 3 premières ACAT Africaines : Benin, Togo, Sénégal et d’organiser une rencontre FIACAT en 1992 à Cotonou au Benin. Les discussions furent ouvertes aux membres du conseil de l’ACAT Luxembourg et au diner furent conviés les militants de l’association.
En septembre 1992, Patrick Byrne et moi avons représenté l’ACAT Luxembourg à la rencontre de Cotonou, où nous avons vécu des moments très émouvants, en particulier lors de témoignages de victimes de la répression ou lors de discussions informelles avec les délégués africains.

Hannelore Avena:

101 enfants disparus en Argentine entre 1976 et 1983 ont été retrouvés jusqu’ici.
Une annonce dans le “Luxemburger Wort” parue en mars 2010 m’a rappelé l’action soutenue par notre ACAT pendant plusieurs années, surtout à partir de l’année 1992.
Cette annonce relatait l’histoire d’un homme argentin de 32 ans du nom de Francisco Madariaga Quintela, qui, il y a peu de temps, a rencontré son père pour la première fois.

Pour comprendre ceci, il faut savoir qu’entre 1976 et 1983, époque de la dictature en Argentine, des milliers de jeunes gens opposés au régime militaire, furent arrêtés, jetés en prison et, pour la plupart d’entre eux, on n’a jamais eu de nouvelles. Or, parmi les personnes arrêtées, de jeunes femmes enceintes ont accouché en prison. Les bébés mis au monde leur furent soustraits et donnés en adoption, souvent par les miliaires au pouvoir, responsables de la torture et de la mort des parents de l’enfant.
Des grands-mères connues sous le nom de “Abuelas de la Plaza de Mayo”, au courant d’une naissance proche de leurs petits-enfants se sont mobilisées et ont manifesté à Buenos Aires. En 1992, Estella de Carlotto, présidente des “Abuelas” et Rosa de Roisinblit, elles-mêmes grands-mères d’enfants disparus, ont visité l’Europe et notamment le Luxembourg. Nous avons eu d’elles des témoignages directs de leur lutte pour retrouver les enfants. Des 500 enfants arrachés à leurs parents durant cette époque, 101 ont pu être identifiés et ont retrouvé leur identité jusqu’ici. Et la recherche continue.

Viola Kennert:

Die ersten Jahre traf sich die ACAT im Gemeindehaus in der Gaston Diderich. Die französischsprachige evangelische Gemeinde und die deutschsprachige evangelische Gemeinde waren in diesem Gemeindehaus gemeinsam gastgebend.

Die regelmäßig stattfindenden Treffen fanden im Gemeindehaus statt. Es galt die verbindliche Verabredung mit einer sehr kurzen biblischen Besinnung und mit einem ausführlichen Fürbittengebet zu beginnen. In die Fürbitte wurden auch die einbezogen, deren Situation im Anschluss diskutiert und für die die „action urgentes“ vorbereitet wurden.
Es war nie strittig, dass auch die Folterer in die Fürbitte eingeschlossen werden sollten. Aber wir haben uns immer wieder darüber ausgetauscht, wie schwer es uns fällt. Ich glaube, dass dieses offene und ehrliche Gespräch über die Motivation unserer Handelns und Betens die Gemeinschaft wesentlich gestärkt und motiviert hat.

Am 25. Februar 1992 waren die „Abuelas de la Plaza de Mayo“ bei unserem regulären Treffen zu Besuch.
Die unterschiedlichen Fürbitten wurden von den Anwesenden ausgesprochen. Danach hatte ich es übernommen, die Fürbitte für die Folterer zu sprechen.

Dios, hermano, companero de los hombres y de las mujeres,
que te conocimos por Jesús de Nazaret,
Dios del amor :
Frente a tì pensamos en todos los que tienen poder en este mundo,
en aquellos que abusan de su poder ;
En hombres y mujeres que torturan y maltratan a hombres y a mujeres y ninos.
En ellos pensamos y te rogamos a tí, dios :
Deja nacer en ellos el coraje para que rompan la cadena de la brutalidad,
da les tú la fuerza para que miren a los ojos de los que sufren,
para que reconozcan su propia brutalidad.
Acércate Dios, a ellos,
Para que despierte su conciencia y muéstrales salidas de sus vidas de opresores.
Dios, a veces nos cuesta orar así, pero confiamos en tu bondad y en tu poder.

Gott, Bruder und Gefährte von Männern und Frauen,
wir kennen dich durch Jesus von Nazareth,
Gott der Liebe:
Vor dir denken wir an die Mächtigen dieser Welt, die ihre Macht missbrauchen,
Frauen und Männer, die foltern und Frauen, Männer und Kinder misshandeln.
An sie denken wir vor dir und bitten dich, Gott;
Lass in ihnen Mut wachsen, damit sie die Kette der Gewalt brechen,
schenk ihnen Kraft, dass sie in die Augen derer blicken,
die leiden, damit sie ihre eigene Brutalität erkennen.
Gott, nähere dich ihnen,
damit ihre Gewissen erwachen und
zeige du ihnen Auswege aus ihrem Leben als Unterdrücker.
Gott, manchmal fällt es uns schwer, so zu beten – aber wir vertrauen Deiner Gnade und deiner Macht.

Paule de Marcillac, présidente de l’ACAT de 1994 à 1998:

Pendant les années passées au Luxembourg, il me revient le souvenir d’une expérience qui a déterminé mon attitude pendant les années qui ont suivi…

Un groupe de militants, peu nombreux, calmes, dignes, devant l’ambassade des Etats-Unis à Luxembourg… Des noms de détenus dans les couloirs de la mort affichés… Des lumignons et du silence…
J’ai découvert l’impact de ces démonstrations non-violentes… La puissance et la dignité du silence… La force intérieure qu’elles donnent…
Ce temps que chacun « meuble » à sa façon est un temps précieux où les convictions se renforcent ; le cri silencieux qui est émis prend une importance inégalée.
Cette option ne m’a plus jamais quittée.

Armelle Ono:

2 octobre 2001 – 9h30 – Le groupe « Droits des enfants » de l’ACAT est réuni chez Anoushka, à Mersch. Autour de la table, cinq femmes, catholiques, protestantes, musulmanes, juives, font monter une prière vers Dieu qui leur fait la grâce d’être ensemble ce matin, confiantes dans sa miséricorde. Il y a trois semaines exactement, le 11 septembre….

Sylvie Engel:

Mai 2002, l’ACAT Luxembourg reçoit les membres du bureau exécutif de la FIACAT, présidée à ce moment par Patrick Byrne : occasion d’apprendre à connaître la diversité d’organisation des différentes ACAT, occasion d’échanges enrichissants avec des gens d’horizons et d’approches différents, mais dont l’engagement sans faille pour le respect de la dignité humaine forçait l’admiration, occasion pour moi enfin de mesurer l’importance primordiale du travail de la FI-ACAT pour les ACAT nationales.

Véronique Engelmann:

Ma mère m’avait fait connaître l’Acat depuis longtemps et nous faisait participer nous, les enfants, à ses prières pour les prisonniers. Il fallut l’appel personnel de Bernadette Jung à Luxembourg pour que je découvre l’ampleur du travail des Acatiens. Je considère comme une grande chance d’avoir participé ,à ma modeste mesure, à l’aventure de notre Acat depuis 20 ans. L’Acat m’a ouvert de nombreux horizons sur le monde et un grand réseau d’amis de tous pays. Ainsi un de mes plus beaux souvenirs est le séminaire sur « Cultures africaines et lutte contre la torture » organisé en juillet 2002 à Dakar et qui fut aussi mon premier contact avec l’Afrique (mais pas avec les Africains!).
120 participants de 33 pays se sont retrouvés dans la magnifique école Sainte-Marie de Hann pour exprimer leur solidarité pour une Afrique sans torture. Dans les nombreux ateliers je découvris le courage de nombreux défenseurs des DH dans leur lutte quotidienne et pris conscience que travailler dans une Acat africaine, c’est risquer sa vie chaque jour. L’autre aspect qui me bouleversa ce fut le poids des traditions qui condamnent beaucoup de femmes, en particulier les veuves et les jeunes femmes à survivre sans droits et dans des conditions de maltraitance voire de torture que je ne pouvais imaginer. Et que faire? Ceux qui n’acceptent pas ces coutumes n’ont d’autre choix que de quitter le village et leur famille ou de vivre dans l’exclusion.
Heureusement nous avons aussi partagé de grands moments pleins d’espérance. Ainsi l’Acat-Luxembourg comme l’Acat-Sénégal avait apporté comme symbole de notre association un grand filet de pêche pour montrer que, plus nous resserrerions les noeuds des mailles du filet, plus nous serions efficaces dans notre lutte pour un monde sans torture.
Je ne peux parler de ces magnifiques journées passées à Dakar sans évoquer le grand drame qui toucha en particulier nos amis sénégalais dont la famille du président de l’Acat-Sénégal, Raphaël Lambal, un mois plus tard: le naufrage du Joala avec plus de 1500 personnes à bord. Aujourd’hui Raphaël a reconstruit une famille au Canada. L’espérance ne meurt jamais surtout chez les Africains! Quelles belles leçons de vie et de courage ils nous donnent!

Bernadette Jung, présidente de l’ACAT de 1998 à 2005:

C’était en février 2003
L’ACAT  exerçait déjà depuis longtemps son mandat de vigilance dans le cadre du CPL, visitant, à leur demande, les détenus qui alléguaient des situations portant atteinte à la dignité de leur personne. C’était le cas de Miguel (nom d’emprunt). Miguel avait, en effet, fait appel à l’ACAT quelques mois auparavant : depuis plus de 9 mois il était en détention préventive, assujetti au régime carcéral le plus strict, sans contact avec l’extérieur, sinon celui de son avocat.
Il était accusé de viol. Il clamait haut et fort son innocence et demandait en vain de pouvoir entrer en contact avec sa fiancée, seule, parmi ses proches au Luxembourg. Dans ce cas d’espèce, où aucune fuite ou dissimulation de preuve éventuelle ne semblait raisonnablement vraisemblable, ce régime d’isolement semblait quelque peu disproportionné.
Au début du mois de février, une délégation du CPT était arrivée au Luxembourg, ses membres venaient d’auditionner l’ACAT. Le lendemain il était prévu qu’elle se rende elle-même au CPL.
Or même jour, vers 21 heures je recevais un coup de téléphone de la prison. C’était Miguel. L’annonce de la visite du CPT avait déjà fait le tour des cellules. Et il me demandait en urgence d’intervenir pour qu’il puisse s’entretenir  personnellement avec des membres du CPT. J’arrivais à joindre le secrétaire de la délégation qui m’assurait que Miguel pourrait le faire.
Deux jours plus tard, j’avais de nouveau Miguel au téléphone, mais cette fois ci hors des murs de la prison : « Merci, merci à l’ACAT. Je suis libre maintenant. Je suis libre jusqu’à mon procès, je peux rester avec ma fiancée, et préparer avec elle ma défense… ».
Ce qu’est devenu Miguel, je ne le sais. Le rôle de l’ACAT s’arrêtait là, comme dans bien d’autres cas ou des détenus l’ont appelée au secours.
Cette histoire m’est restée en mémoire, gratifiante et exemplaire : gratifiante d’abord par le soutien que l’ACAT avait pu apporter à un homme qui était au bord du désespoir dans un isolement psychologique terrible, mais aussi exemplaire par la coopération qui avait pu naître entre des autorités publiques nationales et européennes et le monde associatif, en l’occurrence l’ACAT. Et c’est bien en conformité avec l’esprit et la lettre de la Convention européenne contre la torture  que cette collaboration avait fonctionné !

Monique Ruppert, présidente de 2005 à 2008 et de 2012 à 2016:

Le 10 décembre 2005, lors d’une cérémonie solennelle à l’église S.Michel, les églises chrétiennes de Luxembourg ont signé une déclaration commune contre la torture et les traitements inhumains et dégradants.
A cette occasion elles ont manifesté leur accord à s’engager aussi dans des actions concrètes. Nous en étions très fiers et un nouvel espoir nous a encouragés à approfondir les relations œcuméniques et le travail entre les paroisses et l’ACAT.

Cécile Thill, présidente de 2008 à 2012:

La contribution de notre ACAT aux célébrations du 60ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme m’a marquée.
La rencontre avec Michael Lapsley est un moment qui ne s’oublie pas. J’ai été particulièrement touchée par le temps d’échange avec des élèves du Lycée du Fieldgen. Avec son témoignage et aussi son humour, il a laissé une trace forte, non seulement de son passage, mais surtout de son propos.
L’autre temps très émouvant de ce mois de décembre 2008 fut la veillée interreligieuse à Hesperange (dont le nom ne ressemblait pas à « espérance » pour rien, ce soir-là…). Voir ainsi rassemblés dans la prière autant d’hommes et de femmes de toutes confessions était pour moi un magnifique signe d’espoir et m’a redonné courage pour poursuivre le combat de l’ACAT.

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