Appel du mois – Mai 2020

Face à la situation liée au coronavirus, un décret portant commutation des peines de mort et remise de peines avait été promulgué par le Président de la République du Cameroun. L’efficacité de cette mesure était jugée trop réduite. Certaines ACAT et la FIACAT demandaient des mesures plus larges.

Décret présidentiel

Le décret présidentiel n° 2020/193 du 15 avril 2020 portant commutation et remise de peines accorde la grâce présidentielle à certaines personnes détenues, en vue d’éviter une potentielle catastrophe au sein des prisons surpeuplées où le risque de propagation du Covid-19 est élevé. Ces mesures prises pour désengorger les prisons camerounaises sont à saluer. Toutefois, une analyse profonde du décret laisse apparaître qu’elles sont largement insuffisantes pour faire face à cette crise sanitaire et à la surpopulation carcérale au Cameroun.

Prisons surpeuplées

Au Cameroun, les prisons comptent 17 915 places disponibles. Cependant, en 2017, on dénombrait 30 701 prisonniers, ce qui représente un taux de surpopulation de plus de 171%. Cette situation est particulièrement alarmante alors que l’épidémie actuelle exige a minima une « distanciation sociale ».

Plus de 70% des personnes privées de liberté au Cameroun sont en détention provisoire sur l’ensemble du territoire national. Or l’art. 1 du décret présidentiel vise exclusivement les personnes définitivement jugées et condamnées, excluant ainsi les prévenus. En outre, plus de 60% des personnes en détention le sont pour des motifs qui ne permettent pas de bénéficier, ni de la commutation, ni de la remise, selon l’article 4 du décret. Plus de 50% des personnes condamnées définitivement resteront donc en prison.

Peu de détenus bénéficiant du décret

Aussi, parmi les personnes condamnées à mort, plus d’un tiers des personnes inculpées depuis 2015 le sont pour des infractions liées au terrorisme, infractions exclues des mesures prises par le décret. À titre d’exemple, la prison centrale de Douala comptait, au 20 avril 2020, 3 473 personnes détenues. 2 385 se trouvaient en détention provisoire, soit 69% de détenus qui ne pouvaient bénéficier du décret. Parmi les 770 personnes définitivement condamnées et donc concernées par ces mesures, 608 détenus ont été libérés, ce qui représente seulement 17,5% des prisonniers de cette prison. Dans la prison centrale de Yaoundé, les chiffres sont encore plus éloquents puisque seuls 361 détenus ont été libérés parmi les 4 000 prisonniers, soit seulement 9% de la population carcérale.

Interventions de la FIACAT et des ACAT

En raison de la crise du Coronavirus, la FIACAT et l’ACAT-Cameroun ont publié un communiqué de presse le 23 avril dernier, demandant aux autorités camerounaises de permettre à davantage de personnes détenues de bénéficier de la grâce présidentielle, de procéder à des mises en liberté provisoire de certains prévenus et de cesser de recourir systématiquement à la détention préventive. De leur côté, l’ACAT-Suisse et EMINED, son association partenaire au Cameroun, de concert avec l’ACAT-Cameroun, ont lancé un appel urgent complétant l’appel initial de la FIACAT et relayé par le réseau des ACAT européennes.

Dans la lettre d’intervention au président du Cameroun, l’initiative du président du Cameroun est saluée mais est jugée insuffisante. Afin de diminuer le risque de propagation du coronavirus, de protéger la vie et la santé des prisonniers et des employés des prisons et de désengorger à plus long terme les prisons du Cameroun, il est demandé au président du pays de libérer :

1. tous les détenus ayant déjà purgé au moins la moitié de leur peine (sauf pour ceux ayant commis les crimes les plus graves) ;

2. tous les détenus en préventive – dont les personnes mineures – accusés de délits mineurs et qui ont déjà passé plus de la moitié de la durée de la peine attendue sans avoir été jugés.

Action terminée

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