Journée internationale de soutien aux victimes de la torture – Homélie

Journée internationale de soutien aux victimes de la torture

Homélie du Père Michael Lapsley

Homélie prononcée par le Père Michael Lapsley SSM, sur la torture
en la cathédrale anglicane St Georges du Cap, le 28 juin 2015,
à l’occasion de la Journée internationale de soutien aux victimes de la torture. En quoi la torture nous concerne-t-elle, nous chrétiens ?
Jésus a été torturé à mort….. Être chrétien signifie suivre le torturé. La croix était un instrument de torture.
En tant que chrétiens, nous ne pouvons pas rester neutres à l’égard de la question de la torture.
Sur la croix, Jésus s’est senti abandonné, délaissé : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as tu abandonné ?
Notre réflexion d’aujourd’hui sur le thème de la torture a pour toile de fond les événements de cette semaine. Le meurtre raciste de chrétiens noirs d’un groupe d’étude biblique de Charleston, aux USA ; la visite en Afrique du Sud des 5 Cubains (Cuban Five), qui ont passé 17 mois en isolation, suivis de 16 ans de prison pour des crimes qu’ils n’avaient pas commis ; les attentats terroristes en Tunisie, en France, au Koweit ; ET, pour tous les Sud-Africains, la publication du rapport sur le massacre de Marikana … le jour le plus sombre de l’histoire d’Afrique du Sud post-94. Il me semble que le rapport a apporté peu de consolation à ceux et celles qui avaient perdu des êtres chers lors de ces évènements fatidiques. La commission d’enquête semble avoir absout les membres de l’exécutif de toute responsabilité pour ce qui s’est passé …. Mais cela ne signifie pas que, dans les faits, les leaders politiques ne portent aucune responsabilité politique ou morale pour les actes commis. 
Nous avons, en tant que société, permis la remilitarisation de la police. Alors, que dites-vous de la torture ? Est-ce quelque chose que nous justifions parfois ? Si vous êtes contre, pourquoi ? Le terme « torture » désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit, lorsqu’une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. À la fin des années 80, il y avait en Afrique du Sud 10.000 enfants de moins de 18 ans en détention, dont 90% subissaient la torture. La torture était utilisée principalement, non pas pour obtenir des informations, mais pour casser la volonté du peuple et l’empêcher de se libérer. On a torturé le corps afin de détruire l’esprit. La torture ne se passe pas uniquement dans les prisons et les commissariats de police.
Un enseignant qui agresse un enfant, c’est une certaine forme de torture. En quoi la torture nous concerne-t-elle, nous chrétiens ?
Jésus a été torturé à mort … Être chrétien signifie suivre le torturé. La croix était un instrument de torture.
En tant que chrétiens, nous ne pouvons pas rester neutres à l’égard de la question de la torture.
Sur la croix, Jésus s’est senti abandonné, délaissé : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as tu abandonné ? Combien de victimes de la torture ont prononcé les paroles de notre psaume d’aujourd’hui, le psaume 130 :
1 Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur. 
2 Seigneur, écoute mon appel !
Que ton oreille se fasse attentive
aux cris de ma prière ! 
5 J’espère le Seigneur de toute mon âme,
je l’espère, et j’attends sa parole ; 
6 mon âme attend le Seigneur
plus qu’un veilleur ne guette l’aurore,
plus qu’un veilleur ne guette l’aurore.
Il y a quelques années, cette cathédrale où nous nous trouvons était remplie à l’occasion d’un culte à la mémoire du grand militant politique Johnny Issel. 
Pendant les années du combat contre l’apartheid, Johnny a subi des tortures terribles en détention. De nombreuses années plus tard, Johnny a pu, à sa propre demande, rencontrer son tortionnaire.
Lors de leur rencontre, Johnny a demandé à celui qui l’avait torturé de lui parler de sa vie. Johnny s’est vite aperçu que son tortionnaire n’avait rien réussi à faire de sa vie alors que lui, Johnny, était respecté par beaucoup de monde. Il a eu pitié de son tortionnaire. Johnny nous a demandé de nous engager d’urgence pour travailler avec ses anciens oppresseurs afin qu’ils puissent s’engager sur un chemin de guérison.
Lorsque notre pays est devenu une démocratie, on n’a pas licencié les tortionnaires. On n’a pas supprimé les instruments de torture.
Johnny était une « victime populaire ». De nombreuses victimes de la torture dans l’Afrique du Sud d’aujourd’hui sont des « victimes impopulaires ». L’année dernière, l’organe de supervision de la police a présenté un rapport à la Législature provinciale, qui révélait que plus de 1.100 plaintes pour tortures et autres violences commises par des agents de police du Cap Occidental avaient été déposés pendant l’année écoulée. Il s’agirait du taux le plus élevé du pays. 
La torture est encore très répandue aujourd’hui. Elle est pratiquée dans la conviction erronée qu’elle peut supprimer le gangstérisme. 
Les victimes de la torture réclament et attendent qu’on exige des comptes, qu’on les croie, qu’on condamne ce qui leur est arrivé. Elles attendent la guérison et les réparations.
Qui sont ces victimes impopulaires ? Les membres des gangs, leurs familles, des criminels, des demandeurs d’asile … des personnes qui ne jouissent d’aucune influence politique.
Cela nous a pris près de 20 ans en Afrique du Sud pour intégrer une loi sur la torture dans notre législation nationale. 
Bien que la torture soit pratiquée très fréquemment en Afrique du Sud, personne n’a été jugé pour torture, parce que l’Etat ne s’est pas doté des règlements d’accompagnement pour le permettre. Selon la définition des Nations-Unies, la torture désigne des actes commis par des personnes agissant à titre officiel, au nom de l’Etat.
Cependant, nous savons bien que de nombreux actes de torture sont commis par des personnes privées dans le secret de la chambre à coucher – violences sexuelles et actes de pédophilie. Nous avons connu des exemples horribles de tortures à l’encontre de lesbiennes noires.
Il existe un mythe selon lequel l’utilisation de la torture à l’encontre de nos ennemis permettra de sécuriser le monde. Mais tout semble indiquer le contraire.
Les travaux de la Commission « vérité et réconciliation » ont permis de présenter plus de 3.000 récits de torture documentées. Et la Commission a affirmé que l’apartheid constituait un crime contre l’humanité. 
D’autre part, la Commission « vérité et réconciliation » a aussi insisté, avec raison, que la torture était moralement inacceptable en toute circonstance, quel qu’en soit l’auteur – le régime apartheid ou les forces de libération. Nous pouvons être fiers que notre Eglise ait accueilli en ses murs le Trauma Centre (Centre de soins pour les survivants de la violence et de la torture).
Nous rendons grâce pour le travail de l’Institut pour la guérison des mémoires.
Mais comment faire pour que chacun de nous apporte sa contribution à la lutte contre la torture ? D’abord, nous pouvons nous informer sur la torture. Nous connaissons tous Mlle Google, n’est-ce pas ?
Taper dans le moteur de recherche : « Torture en Afrique du Sud » et vous trouverez déjà beaucoup de renseignements.
Vous pouvez également trouver des informations en ligne sur l’ONG « Action des chrétiens pour l’abolition de la torture ».
Vous pouvez soutenir le travail d’Amnesty international.
Combien parmi vous sont sur Facebook ? Alors, écrivez aujourd’hui sur votre Facebook pourquoi, en tant que chrétiens, nous devrions être contre la torture.
Soutenir la lutte contre la torture, cela signifie demander des comptes, la réparation, les soins pour les victimes de la torture.
Priez régulièrement pour les victimes de la torture et pour l’abolition mondiale de la peine de mort – la pire des formes de torture.
Priez que les tortionnaires cessent leur activité.
Mgr Oscar Romero, du Salvador, a été assassiné en 1980 pare qu’il soutenait les pauvres et les opprimés de son pays. Ils le considèrent comme un saint. 
St Oscar Romero a écrit ceci :
« Celui qui torture un être humain,
celui qui maltraite un être humain,
celui qui outrage un être humain
bafoue l’image de Dieu,
et l’Église prend ce martyre
comme sa propre croix. »
Prions pour tous ceux qui torturent d’autres êtres humains.
Nous prions pour tous ceux qui militent à travers le monde pour l’éradication de la torture. Que nous puissions tous être comptés parmi eux.
Seigneur Jésus,
Tu as connu en prison la souffrance et la mort d’un prisonnier de conscience.
Tu as subi le complot, la trahison par un ami, et tu as été arrêté sous le couvert de l’obscurité par des hommes armés de gourdins et d’épées.
Tu as connu la torture, les coups, l’humiliation et la condamnation à une mort lente et atroce alors que tu n’avais commis aucun mal.
Sois proche aujourd’hui des prisonniers du monde entier.
Sois proche d’eux dans l’obscurité de leur cellule, dans la solitude qu’ils vivent, séparés de ceux qu’ils aiment.
Sois proche d’eux face à la peur de ce qui les attend, face à l’agonie de la torture, de l’attente de l’exécution et de la mort.
Tends leur la main pour briser les chaînes et leur ouvrir les portes de la liberté, afin que ton règne de justice vienne s’établir parmi eux dès maintenant. Amen.

Homélie prononcée par le Père Michael Lapsley SSM, en la cathédrale anglicane St Georges du Cap, le 28 juin 2015, à l’occasion de la Journée internationale de soutien aux victimes de la torture.

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